L’année zéro de la révolution a vu des élections jugées
libres et démocratiques avec l’émergence d’une nouvelle ancienne classe
politique se réclamant d’un Islam modéré qui a pris les rênes du pays ne
serait-ce que pour une année à moins qu’il n’y ait pas changement de calendrier
et volonté de s’éterniser. Cette victoire électorale est perçue pour beaucoup
comme un paradoxe. Une révolution marquée et menée par une forte mobilisation
d’une jeunesse et d’une cyber-dissidence assoiffées de liberté et d’égalité des
chances. Un cri très fort contre la marginalité, le désespoir et l’autocratie.
Ainsi, n’est t-il pas antinomique que ce rêve caressé par toute une jeunesse
dissidente se transforme en un pouvoir des forces jugées antimodernes
obnubilées par un retour au monde de la divinité. Certains facteurs endogènes
expliquent cette simili-victoire des islamistes. Une forte islamisation d’une
frange de la société, laissée-pour-compte sous la dictature sur un fond de
conservatisme social, a trouvé dans l’Islam politique son expression. A travers
ce vote sanction, certains ont voulu exprimer leur rejet d’un modèle de société
tourné vers la modernité auquel ils n’ont jamais pu accéder. Un cri face à des
ères de marginalisation de ségrégation et de ghettoïsation. Certains
politologues ont attribué ce succès à d’autres facteurs plus politiques :
force et organisation de l’appareil islamiste, multitude de partis et listes
ayant compliqué le choix des électeurs, utilisation des espaces de cultes pour
la propagande, faillite de l’élite intellectuelle moderniste à canaliser
l’électorat, prédominance de l’Ego au sein des forces démocratiques.
L’ampleur de cette victoire nourrit aujourd’hui beaucoup de
scepticisme quant à la capacité du nouveau pouvoir à redresser la barre et
répondre aux attentes d’une jeunesse gagnée par le désenchantement et la
désillusion.
L’année une de la révolution que nous venons d’entamer ne
sera pas pour autant très balisée, des défis à la pelle : apprentissage du
pluralisme à tous les niveaux, poursuite des mobilisations pour faire aboutir
des revendications ô combien escamotées dans le passé. Un vent de liberté et de
démocratie qui continuera à nourrir les rêves et à alimenter l’espoir de
poursuivre la révolte. Sur un autre plan les débats vont se poursuivre pour
définir les contours de la démocratie et du pluralisme même si les composantes
majoritaires de cet islamisme politique tunisien déclarent qu’ils ont rompu
avec leurs mythes face à d’autres factions plus radicales qui ont profité pour
faire des démonstrations de force à tous les niveaux de la vie sociale. Les
défis majeurs se situent sur le plan économique : inégalité régionale,
explosion du chômage, blocage des secteurs essentiels au développement
économique, des modèles socio-économiques à reconstruire ou à réinventer et un
investissement local ou étranger à rassurer et à impulser…
Certes, régler ces enjeux demandera du temps, mais il sera
essentiel d’élaborer des stratégies de développement, de définir des lignes
claires de nos nouvelles ambitions même s’il nous faudra des années pour les
exécuter et les mettre en place. L’année qui commence ne sera pas facile
d’autant plus que nous ne devons compter que sur nos propres ressources et
notre ingéniosité.
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